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AMOUGOU NGUELE PAUL LE BRUN : Qui est cet homme qui fit créer l’EMIA ?

Par RAOUL PEPIN
Xavier Luc Deutchoua et repris par Zambo AMOUGOU Jean Marie

Instituteur, député et secrétaire d’Etat, il est à l’origine de la résolution parlementaire portant création d’une école militaire au Cameroun. Pour ses descendants, ses élèves et connaissances, ce fait d’armes mérite la reconnaissance de la nation. «Une promotion de l’Emia pourrait porter son nom en baptême», proposent-ils. Son neveu a ainsi saisi le chef de l’Etat Son Excellence Monsieur Paul Biya.[/blockquote]

Efoulan-Metet porte le deuil ce 3 juillet 2004. La grande contrée de Metet située à environ   82 km de Yaoundé, à 39 km de Mbalmayo et 70 km de la ville de Sangmélima s’étale le long de la nationale n°9. Ce jour là, le ciel est tombé sur la tête des habitants de l’arrondissement de Nkolmetet. Le plus illustre d’entre les enfants que le coin a vu naître est décédé à l’Hôpital Général de Yaoundé. Amougou Nguélé Paul, Secrétaire d’Etat dans le premier gouvernement du Cameroun indépendant en 1960, avait 79 ans. L’âge des patriarches Fang Ékang Béti Bané Bene .Ses proches l’appelaient affectueusement «le Pape» du fait de son prénom Paul que portait le Pape Paul. Aucun communiqué officiel n’annonce la triste nouvelle. Mais, elle s’est répandue comme une traînée de poudre dans les cercles de décision du pays. C’est le Branle-bas dans les rangs des élites du Nyong-et-So’o et Béti.

À Yaoundé, de Grégoire Owona à Joseph Owona, de Jacques Fame Ndongo à Robert Nkili, de Jean Marie Atangana Mebara, alors secrétaire général de la Présidence de la République, à Ferdinand Koungou Edima, chacun s’enquiert sur les détails des préparatifs des obsèques. À Mbalmayo, le préfet du département, cardinal camerlingue pour la circonstance, s’investit dans la préparation des obsèques. À Efoulan-Metet, on rameute les sages et les anciens, gardiens de la tradition en pays Bene, comme au Vatican, les funérailles d’un «Pape» s’entourent toujours de rites nombreux et solennels pour le retour à la félicité céleste.

Pour comprendre les raisons d’une telle mobilisation, remontons à 1956 lors de son entrée au parlement, mais aussi de juin 1959 à l’Assemblée législative du Cameroun à la veille de l’indépendance, époque bénie de 1960, en comparaison avec ce que l’on vit aujourd’hui à l’hémicycle, palais de verre de Ngoa-Ekelle. Le député consacrait son énergie à échafauder des projets de développement du pays, plutôt qu’à courir les ministères à la recherche des marchés. Le 09 juin 1959 donc, une plénière se tient dans les locaux qui abritent aujourd’hui le Centre pilote de Yaoundé. Tous les députés ne sont pas présents, mais, en dehors d’Ahmadou Ahidjo, les autres ténors du parlement que sont Charles René Guy Okala, Paul Soppo Priso, Jean Baptiste Mabaya… sont là. Les sujets inscrits à l’ordre du jour sont d’un grand intérêt pour l’État du Cameroun; la question de la dot pour le mariage, par exemple. Sous l’inspiration des milieux catholiques, Maurice Fernand Champeaux, député du Nyong-et-Sanaga, l’un des cinq Européens siégeant au parlement, plaide en faveur de sa suppression. Les échanges sont houleux. Faute de compromis, le débat sur la proposition de loi est renvoyé.  Elu au perchoir le 14 octobre 1958, Daniel Kemajou, qui préside la séance, donne la parole à Claude Akono, rapporteur de la Commission des affaires administratives. «M. le président, le 29 mai dernier, notre collègue Amougou Nguélé Paul déposait sur le Bureau de notre Assemblée une proposition de résolution invitant le Gouvernement camerounais à négocier avec le Gouvernement de la République française : l’implantation au Cameroun d’une école préparatoire militaire susceptible des se transformer ultérieurement en école militaire nationale ; l’envoi de boursiers camerounais dans les grandes écoles militaires métropolitaines».

La discussion générale s’ouvre. L’auteur de la proposition le député   AMOUGOU NGUELE PAUL argumente: « Nous sommes au seuil de cette indépendance… Un pays indépendant a besoin de techniciens et de militaires… Il ne nous reste que six mois… Il est regrettable de voir que jusqu’à présent, le Cameroun n’a pas d’armée… Au cours de la guerre de 1939-45, les Camerounais ont montré qu’ils étaient aussi braves et capables de former leur armée… La création sur place de notre école militaire est nécessaire…. C’est la base de notre force pour le jeune Etat camerounais…” Amougou Nguélé supplie : «Je vous prie, mes chers collègues, d’adopter cette proposition de résolution à l’unanimité pour le bien de notre chère patrie».

Quelques amendements de pure forme, et la proposition est votée à l’unanimité. Sur le champ, le vice-premier ministre, Charles René Guy Okala, prend l’engagement, au nom du gouvernement, d’entreprendre immédiatement des négociations avec la France. Les bases de l’Ecole militaire interarmes de Yaoundé sont ainsi jetées.

L’homme à qui le Cameroun doit cette initiative, a du bon sang dans les veines. Son père, Nguélé Mballa Jean, l’un des nombreux petits-fils de Nguelé Nsah, celui là même qui, selon les écrits de Philippe Laburthe-Tolra, accueillit les Allemands à leur arrivée dans l’hinterland forestier la vaste région du Nyong et Sanaga au début du 19è siècle, est un lettré formé à l’école allemande. Nguelé Mballa est un instituteur d’École Allemande. Il a exercé comme instituteur à Mekak, Ngoan et Endom. Il a d’ailleurs eu un incident en cours de mathématique avec un colon  Allemand; il aura raison. Plus tard,  Nguélé Mballa revient sur ses pas à Endom Monengombo chercher femme chez les Mbida Mbani ou Essambira, la jeune belle Dulcinée Rosalie Nnanga Essama en l’occurrence. Le premier fruit de l’union entre la négresse Mbida-Mbani et l’instituteur reconverti au commerce dès l’arrivée des Français, tombe le 08 janvier 1925 avec la naissance de Paul Amougou Nguelé le Brun. Sept autres enfants naîtront par la suite égalitairement quatre garçons et quatre filles. Fils d’instituteur, c’est tout naturellement que le petit Paul prend le chemin de l’école de son village d’Efoulan Metet. Frondeur, il est renvoyé après une altercation avec un enseignant de l’école protestante Américaine (EPA) de Metet créée en 1999.

 Amougou Nguelé fréquentera désormais l’école adventiste de Nanga–Eboko, à 255 km de là, chez ses oncles maternels. Daniel Ndi, un pasteur de l’Eglise adventiste du 7è jour, qui le prend sous sa protection. Son certificat d’études primaires en poche, il peut commencer par enseigner à l’école primaire de Kongo-Ndong, sur la route de Djoum, en 1941 chez les Ndong.

Après une expérience amère comme «cadre indigène du Trésor», retour à la craie et affectation successivement à Tibati, à N’Gaoundéré, et à Yaoundé notamment à l’école publique d’Ekoudou Briqueterie.

Vint l’année 1956 et son entrée au parlement. Comment en est-il arrivé à la politique? André Marie Mbida l’a remarqué lors d’une tournée politique dans la circonscription de Mbalmayo après un bon discours. André Marie Mbida, le futur premier ministre  de l’État Militaire embarque AMOUGOU Nguelé Paul dans sa liste aux élections parlementaires du 23 décembre 1956. Dès lors, le sort politique d’Amougou Nguelé sera lié à l’histoire du Parti des démocrates camerounais (Pdc), créé et dirigé par André Marie Mbida. Il  sera trésorier général  du PDC. En mi-février 1959, le premier ministre en conflit ouvert avec à l’Assemblée et Ramadier, le Haut commissaire de la France au Cameroun, veut remanier le gouvernement ; Amougou Nguelé Paul est proposé au poste de ministre de l’Agriculture, mais la liste est rejetée par Ramadier. Ce n’est que partie remise. Le 16 mai 1960, il entre finalement dans le gouvernement Ahmadou Ahidjo, en qualité de Secrétaire d’Etat à l’économie nationale, en charge de la production (agriculture, environnement, forêts), avec pour patron direct un autre cadre du Pdc, Germain Tsalla Mekongo, ministre de l’Economie nationale. Sorti du gouvernement, le 20 juin 1961 en même temps que tous les ministres du pédécistes, AMOUGOU Nguélé Paul se consacre à ses activités parlementaires. Jusqu’en 1965, il est

Vice-président du PDC, sa vie n’aura pas été un fleuve tranquille après 1965. Comme, du reste, celle de la plupart des lieutenants d’André Marie Mbida. Jusqu’en 1970, la terreur s’abat sur le pays Eton et Nyong et Sanaga, fief du PDC. Son fils Emmanuel AMOUGOU et son petit frère Martin Edjengté connaissent la prison politique, à Mantum, Tcholiré et autres. De nombreux militants du PDC aussi. Il fallait isoler les leaders de la base. Au bout de cinq années d’enfer, l’ex-député a suffisamment payé le prix de sa fidélité à Mbida André Marie. Ibrahima Wadjiri, Délégué général à la Gendarmerie, émissaire d’Ahmadou Ahidjo, chargé de le «ramener dans les rangs du pouvoir UNC», lui fait une cour assidue.

 «A l’orée des années 1970, on assiste à une reconfiguration politique du Cameroun. Paul Amougou Nguelé devait trancher entre le PDC et l’UNC», analyse son neveu et fils spirituel Jean Marie Zambo Amougou dit NASA, actuel Secrétaire Général de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Cameroun(CSTC). «À un moment donné, mon père fit comprendre à André Marie Mbida qu’il ne fallait pas s’opposer pour s’opposer». 1970: le «pédéciste» prend alors la carte de l’Union Nationale Camerounaise (UNC), le parti au pouvoir, et reconquiert son siège de député. A l’Assemblée nationale, désormais moins quasi monocolore, il retrouve Théodore Mayi Matip, l’oncle de Henriette Matip, sa seconde épouse Bassa après la première épouse Ntonga, une yekaba de Nnanga Ebogo.

Paul Amougou Nguelé prend sa retraite politique en 1988. Jusqu’à sa mort le 03 juillet 2004, «le pape» ne sortira plus de son sanctuaire de Mbalmayo ou de son couloir Yaoundé- Mbalmayo- Nkolmetet que pour des activités éducatives et caritatives. Et, quelques fois et en privé, pour exprimer son dépit par rapport à la politique mise en œuvre par «ceux qui entourent le président Paul Biya».

 

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