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Pascal Affi N’Guessan : l’Opposant Insaisissable.

Par RAOUL PEPIN
Pascal Affi N’Guessan

Homme politique ivoirien ayant occupé plusieurs hautes fonctions de son pays, pascal Affi Nguessan se révèle au fil du temps comme une personnalité insaisissable au regard des actes parfois incompris dont-il serait l’auteur. Dans une interview accordée au magazine regard sur le continent, le président du front populaire ivoirien donne son avis sur des questions liées à l’actualité africaine et son pays la côte d’ivoire.

Par Raoul pépin Mbena Bena

Regard sur le continent :

-Quel est votre regard sur l’évolution de la démocratie en Afrique subsaharienne et en cote d’ivoire en particulier ?

Pascal Affi N’Guessan :

Il y a des avancées notables dans la pratique démocratique en Afrique subsaharienne ces dernières années. Cependant, force est de constater que la situation contraste d’un pays à un autre. Des pays semblent avoir tiré les leçons de la mal gouvernance et se sont engagés dans un processus démocratique qu’il convient de saluer. C’est le cas notamment du Ghana, du Nigeria, du Sénégal, du Niger, du Burkina-Faso, du Mali. Dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire il y a un net recul de la démocratie. On y trouve encore des pratiques attentatoires aux droits et libertés civiques.

Regard sur le continent : 

-Les démocraties occidentales ont elles pris le dessus sur les valeurs de courtoisie africaine?

Pascal Affi N’Guessan :

La démocratie occidentale n’est pas opposée aux valeurs  de courtoisie africaine. Je pense que c’est la mauvaise compréhension de la démocratie et son adaptation dans des environnements culturels mal préparés qui donnent cette impression d’opposition entre  cette forme de gouvernement et les valeurs de courtoisie africaine.

– Regard sur le continent : 

Peut on construire un modèle de démocratie à l’africaine?

Pascal Affi N’Guessan

L’Afrique peut construire son modèle de démocratie parce que les Africains disposent d’un jeu de différents modèles qu’ils peuvent adapter en fonction des contraintes. L’histoire nous enseigne d’ailleurs que c’est au cours de son voyage en Égypte que le Grec Solon (640 à 558 av. J.-C) a connu pour la première fois la notion d’égalité entre les êtres humains. C’est le principe de l’égalité des êtres humains qui constitue le fondement de la démocratie qui se décline sous une variété de modèles.

 – Regard sur le continent : 

Quel diagnostic faites-vous de la crise sociopolitique en cote d’ivoire ?

Pascal Affi N’Guessan :

Les causes de la crise sociopolitique en Côte d’Ivoire sont variées et s’apprécient selon l’angle sous lequel on se place. De mon point de vue, c’est principalement le déficit démocratique avec son corollaire d’actes de mauvaise gouvernance et de mépris à l’égard des autres qui est à l’origine de toutes les dérives que nous observons aujourd’hui encore. Certains acteurs politiques ont exploité de façon malveillante le faible niveau d’instruction d’une partie de la population ivoirienne en jouant sur la fibre ethnique. Les auteurs de la rébellion de 2002 ont été mal inspirés de prendre les armes pour imposer un nouvel ordre politique à la Côte d’Ivoire.

– Regard sur le continent :

-Peut on comprendre les raisons qui entravent le processus de réconciliation des ivoiriens?

Pascal Affi N’Guessan :

Le processus de réconciliation nationale peine à se dérouler normalement faute de volonté des tenants du pouvoir. Tout se passe pour eux comme si rien de grave ne s’est passé dans ce pays. Ils ont atteint le seul objectif qu’ils poursuivaient, à savoir la prise du pouvoir, et ils ne se préoccupent pas des séquelles que leurs ambitions de pouvoir ont laissées dans tous les compartiments de la société ivoirienne. Dans cette logique, le régime ivoirien a entrepris, depuis son installation, de museler l’opposition politique par des vagues d’emprisonnements, des gels des avoirs et de la contrainte en exil de milliers d’Ivoiriens. Au-delà de ces actes qui ne créent pas les conditions favorables à la réconciliation, le pouvoir tente de verrouiller le jeu politique, comme en témoignent ses velléités d’instauration de la pensée unique.

Regard sur le continent : 

Qu’est ce qui coince, existe t’il une volonté politique affirmée d’aller jusqu’au bout de la réconciliation ?

Pascal Affi N’Guessan :

Ce qui coince c’est le manque de volonté politique, ainsi que je l’ai dit plus haut. C’est pour se donner bonne conscience que les autorités ivoiriennes ont créé la Commission Dialogue Vérité Réconciliation (CDVR) dont les conclusions ont été classées sans suite. Ce pouvoir autocratique prospère dans l’adversité et dans la désunion, il n’est pas capable de réconcilier les Ivoiriens.

– Regard sur le continent : 

La cote d’ivoire a t’elle les moyens de jouer un rôle décisif dans la lutte contre le terrorisme dans la sous région Afrique de l’ouest, si oui qu’est ce qui manque aux dirigeants actuels?

Pascal Affi N’Guessan :

La question du terrorisme est une question qu’il convient d’aborder avec beaucoup de délicatesse en raison notamment du caractère asymétrique de la guerre menée par les terroristes contre les Etats. La Côte d’Ivoire ne semble pas être suffisamment outillée pour jouer un rôle décisif dans la lutte contre ce fléau dans notre sous région. Une coopération sous-régionale dans le domaine du renseignement et une bonne formation d’unités militaires spécialisées avec l’appui des puissances occidentales seraient nécessaires.

 Regard sur le continent : 

Les partis politiques de l’opposition jouent ils pleinement leur rôle pour la stabilité du pays?

Pascal Affi N’Guessan :

La première entité qui devrait jouer pleinement son rôle pour la stabilité du pays est le gouvernement. Malheureusement, ce gouvernement se comporte comme un parti politique, soucieux de son maintien au pouvoir et par conséquent occupé à échafauder des plans pour neutraliser les adversaires potentiels. Dans ces conditions les partis politiques de l’opposition privés à dessein de moyens d’action ne jouent pas pleinement leur rôle dans la stabilité du pays. En Côte d’Ivoire, les partis politiques significatifs sont littéralement déstabilisés par le pouvoir, le biais des achats de consciences et de la chasse aux sorcières.

Regard sur le continent : 

Avez-vous encore le même sentiment qui vous animait quand vous faisiez votre entrée au sein du FPI en ce jour?

 Pascal Affi N’Guessan :

J’ai toujours le sentiment que le FPI peut jouer un rôle important dans l’édification d’une nation ivoirienne démocratique, unie et prospère. C’est l’idéal auquel j’ai cru et auquel je continue de croire.

 Regard sur le continent : 

La posture actuelle du front populaire ivoirien avec ses dissidences internes n’est- elle  pas un aveu d’échec et une émanation d’une immaturité politique de ses militants?

Pascal Affi N’Guessan

Une dissidence au sein d’une organisation, fut-elle un parti politique, ne peut pas être assimilée à un échec. Ce n’est pas non plus la traduction d’une quelconque  immaturité politique. C’est dans l’ordre normal des choses. Moi j’assimilerai plutôt la crise qui secoue notre parti à une crise de croissance.

Notre expérience de la gestion du pouvoir d’Etat qui s’est malheureusement terminée dans le drame, avec des milliers de morts et l’incarcération du Président Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé à la Haye, nous interpelle.

Regard sur le continent

Quelle leçon tirez-vous de votre rencontre avortée avec le président Gbagbo? On parle des préalables qui ne vous arrangent pas du tout, par exemple, poser votre démission à la tête du parti avant toute rencontre avec Laurent Gbagbo.

Pascal Affi N’Guessan

Je fais plutôt des constats : le premier est que ceux qui avaient voulu organiser un congrès extraordinaire pour me remplacer alors que je vivais les affres de l’emprisonnement à Bouna n’ont pas renoncé à leur entreprise. Le deuxième c’est de savoir que les dissidents ont la pleine conscience que je demeure en droit et en fait le Président du FPI. Enfin, je suis conforté dans la conviction que le FPI demeure un parti politique solide dont la Côte d’Ivoire a besoin pour sa reconstruction après la grave crise post électorale de 2010.

Regard sur le continent 

Pascal Affi  N’Guessan, vous êtes de plus en plus contesté par vos camarades du parti notamment la dissidence adverse, êtes- vous victime d’un complot ou tout simplement vous vous sentez mal compris, ou est le malentendu?

Pascal Affi N’Guessan

N’exagérons rien. Il y a certes une dissidence au sein de la direction du parti avec des actes de défiance et de provocation que nous essayons de gérer avec lucidité et en toute responsabilité. Je ne sais pas si je dois me considérer comme une victime, mais je constate que la position que j’occupe à la tête du parti est convoitée. Ce qui est de bonne guerre du reste ! Le malentendu résulte du refus des dissidents de s’inscrire dans la légalité et de respecter les textes qui régissent notre parti. Chaque fois que des individus ont tenté de passer outre les instruments légaux qui régissent une entité donnée, il y a eu désordre, confusion et retard inutiles dans la marche de ladite entité. Cela se vérifie aussi bien au niveau d’un Etat qu’à celui d’une organisation comme un parti politique.

Regard sur le continent

Pourtant vous êtes allés à la présidentielle de 2015 contre la volonté de certains de vos camarades dirigeants du parti, un acte perçu comme une trahison, qu’en dites-vous? Qu’est ce qui a motivé votre choix, n’avez vous pas eu le sentiment d’être tombé dans un piège du régime qui voulait légitimer le scrutin?

Pascal Affi N’Guessan

Notre participation à l’élection présidentielle de 2015 avait déjà été actée par la direction intérimaire du FPI alors que j’étais en prison. A juste titre les camarades avaient estimé que le FPI devait s’organiser pour reconquérir le pouvoir en participant à l’élection présidentielle de 2015.

En phase avec cette vision, je n’avais fait que soumettre la question au Congrès qui, par une résolution, a autorisé notre participation cette élection. Je ne vois aucun acte de trahison pour avoir engagé mon parti dans une compétition électorale dès lors que le Congrès dûment convoqué l’a autorisé. Je ne vois pas non plus en quoi participer à des élections légitimerait un régime. Cette rhétorique me fait penser à la participation du Président Gbagbo à l’élection présidentielle de 1990. Le candidat du FPI avait été accusé de trahison par l’opposition de gauche.

Le paradoxe des dissidents du FPI en 2015 c’est qu’ils étaient alliés à des candidats indépendants issus du PDCI pour participer à la présidentielle de cette année là.

Regard sur le continent

Sorti de prison en 2013 êtes-vous le même, avec les mêmes convictions politiques, le même acharnement?

Pascal Affi N’Guessan

J’ai été en prison en 2011 pour en sortir en 2013 pour mes convictions et à cause de mes responsabilités à la tête du FPI. Je n’y ai pas été pour un délit ou un crime quelconque. La prison ne pouvait donc pas avoir raison de mes convictions politiques. Je continue de croire en la démocratie et je me battrai pour que les conditions de vie de mes concitoyens s’améliorent. Mais plus que la prison, c’est de notre exercice du pouvoir que je tire le plus de leçons, tant au niveau national qu’à  l’échelle internationale.

Regard sur le continent  

Président pascal Affi N’Guessan, vous multipliez les contacts à l’extérieur de votre pays, que recherchez-vous?

Pascal Affi N’Guessan

Quand on aspire à diriger un pays comme la Côte d’Ivoire il est important de tenir compte de ce qui se passe autour de nous. Le FPI fait parti de l’International Socialiste qui est une grande famille regroupant les partis d’obédience socialiste du monde. En ma qualité de président du FPI je me dois de maintenir le contact avec les amis dont certains sont au pouvoir pour m’inspirer de leurs expériences et prendre conseil.

Regard sur le continent  

Aussi vous êtes en négociation avec certains leaders politiques en cote d’ivoire, Pascal Affi Nguessan peut il être la solution pour la cote d’ivoire si jamais les ivoiriens décidaient de vous porter à la tete de leur pays ?

 Pascal Affi N’Guessan

Si le FPI me désigne comme son candidat à une élection présidentielle , et que les Ivoiriens m’accordent leur suffrage en me portant à la tête du pays, je créerai les conditions du changement. Je serai donc une solution pour la Côte d’Ivoire parce que je suis un homme de compromis, un homme de synthèse et un homme à la vision lointaine. J’en ai la volonté et l’expérience.

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